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Kolkata Jour 3

3 février 2018

 

Salut les amis,

 

Notre journée démarre à 10h30 ce matin. Nous avons rendez-vous avec Sister Marianne dans son petit bureau...

 

Nous arrivons à l'heure et la porte est ouverte. Il y a deux bureaux. Une femme est assise et consulte des registres. Nous demandons à voir Sister Marianne. Quelques secondes plus tard une sœur arrive. Elles se ressemblent toutes et je ne suis pas sûre que c'est elle. Mais c'est elle. Nous nous présentons, et nous nous asseyons en face d'elle sur deux petits tabourets. Elle est petite, a un sourire bienveillant et est curieuse de savoir qui nous sommes, d'où nous venons et ce que nous faisons dans la vie.

 

Puis, Sister Marianne prend une feuille et me demande d'écrire mon prénom et mon nom, puis ma date de naissance. Elle prend avec elle une fiche à remplir et s'en va chercher dans les archives de l'établissement mon dossier.

 

Elle revient quelques minutes plus tard avec un dossier pas très épais. Sur le dessus on peut y lire des informations techniques propres à leur établissement. Dès que je l'ouvre, je vois des photos que mes parents ont envoyé et que je connais déjà pour la plupart. Puis je commence à tourner les pages et je vois à nouveau des documents administratifs, juridiques, etc. que je connais aussi. Du coup, je tourne un peu les pages rapidement mais tout d'un coup c'est le choc...Je vois en vitesse une photo de moi bébé, enfin une photo de moi encore plus petite que celles que j'ai déjà pu voir...Je ne suis pas sûre que c'est moi alors je respire un grand coup et recommence à tourner les pages du dossier pour tomber "tranquillement" sur cette photo de moi petite. Je demande si c'est vraiment moi car j'ai du mal à me reconnaître et c'est vraiment une très grosse émotion pour moi qui arrive. Je ne m'attendais pas du tout à voir une photo de ce genre.

 

Je vois que la sœur a aussi rapporté sa "fiche technique" avec elle et elle s'apprête à me dire ce qu'elle contient, mais une famille arrive dans son bureau. Ils ont rendez-vous avec elle. Elle me demande si je peux revenir l'après-midi vers 16h40...Pour nous, évidemment que nous serons là, la question ne se pose même pas.

Nous sortons donc de son bureau et je suis incapable de parler, de bouger, de comprendre aussi je crois. Il me faut quelques minutes pour m'en remettre et nous décidons d'aller voir les enfants. Nous ne sommes pas arrivés à la même heure qu'hier, du coup, nous ne savons pas où ils sont et ce qu'ils font.

 

A notre arrivée, la sœur que nous avions déjà vu plusieurs fois, nous dit qu'ils sont en train de prendre leur bain. Certains sont dans une pièce en train de se dévêtir ou de s'habiller, un autre est couché à plat ventre sur les genoux d'une massis pendant qu'elle lui verse de l'eau sur la tête avec une petite cruche en plastique.

 

Les enfants sont devant nous à tirer sur mes béquilles qui les fascinent toujours autant. Nous les laissons se préparer et allons juste en face où le même rituel a lieu chez les filles.

 

Nous montons ensuite à l'étage voir les bébés. Dans l'escalier, nous croisons deux bénévoles françaises qui sont là pour quelques jours. Nous échangeons quelques mots. Puis, je revois Shoana ou Shoani, (les sœurs lui donnent les deux noms quand elles l'appellent)... Il me fait un grand sourire. Je m'assois sur un petit banc et regarde ces petits qui s'agitent sur le grand tapis. La petite fille au bonnet bleu est là elle aussi, toujours timide mais toujours aussi souriante. Je voulais lui demander son prénom mais je ne la verrai plus de la journée.

 

L'heure du repas arrive très vite pour eux. Je demande si c'est possible de donner à manger à Shoana. Nous allons dans la pièce d'à côté qui est leur réfectoire. Une massi est assise à côté de moi et donne déjà à manger à un petit. Elle lui remplit la bouche d'une purée de légumes j'imagine et n'attend pas trop qu'il ait avalé sa cuillerée pour lui en remettre une dans la bouche. Cela me met un peu mal à l'aise mais je ne dis rien. Je commence à donner à manger à Shoana et je remarque qu'il lui faut beaucoup de temps pour avaler la cuillerée. Une bénévole me confirme qu'il a besoin de plus temps que les autres. Je m'adapte donc à son rythme et ne tient pas compte de la sœur qui est à côté de moi et qui me demande de le nourrir un peu vite.

 

Les autres bébés sont installés sur les petits bancs et chacun mange. Enfin certains sont récalcitrants ou préfèrent faire les pitres plutôt que manger. Un en particulier crie et il faut un peu le tenir pour qu'il reste à sa place. Je regarde tout ce petit monde pendant que je continue à donner de la purée à Shoana.

Laurent prend la relève et je prends des photos à sa place. Le repas n'est pas encore fini et une bénévole nous remplace. On décide de partir et de revenir l'après-midi.

 

Nous retournons à l'hôtel pour nous reposer car la nuit a été très courte. Je repars vers 15h auprès des enfants. Ils sont dans leur petit espace de jeux à l'intérieur et attendent que les massis les autorisent à sortir. Une famille débarque avec pleins de cadeaux emballés dans des sacs et une petite fille court dans tout l'orphelinat avec son sac pendant que trois sœurs et deux massis la pourchassent. Tout le monde rigole. Enfin tout le monde, non pas vraiment...

 

Un petit est tout seul dans un lit et pleure sans personne autour. Je ne sais pas pourquoi il pleure ni pourquoi il est là et non avec les autres.

 

Les enfants attendent dans l'entrée que les portes s'ouvrent. En effet, les chauffeurs de bus doivent d'abord enlever les véhicules devant l'entrée, Tous les enfants attendent en s'agrippant aux tabliers des bénévoles ou aux grilles de la porte. Je vais pendant ce temps chercher ce petit qui est resté tout seul dans ce lit. Je le fais plus pour moi je pense car cela me fait mal de le voir tout seul sans que personne s'en occupe.

 

Au moment où j'arrive devant la porte d'entrée, je m'attends à ce qu'une sœur me dise qu'il ne peut pas venir tout de suite pour x ou y raisons mais elle me remercie d'être allé le chercher. Il a arrêté de pleurer.

 

Les sœurs ouvrent la porte d'entrée et les enfants courent jouer. Des touristes sont nombreux à être venus aujourd'hui pour jouer avec eux. Sur le moment, je me dis que ce sont des familles adoptives qui viennent voir leur futur enfant mais j'oubliais que les adoptions ne se font plus à Shishu Bhavan. Les deux derniers enfants adoptés sont partis il y a deux mois maintenant pour l'Italie.

 

Je demande où sont les enfants plus grands qui jouent dans la cour de récréation car je ne les vois pas. La sœur m'explique qu'ils sont à la Mother House pour la journée et c'est comme cela tout les premiers samedi du mois.

Je monte ensuite au deuxième étage pour jouer avec les touts-petits. Je passe beaucoup de temps avec un petit installé dans un fauteuil à bascule et qui ne bouge pas. Je l'avais déjà aperçu hier. Il a une très grosse bosse sur la tête et on a l'impression qu'il regarde dans le vide. Une bénévole me dit qu'il aime qu'on le caresse l'arête du nez en remontant sur le front. Je le fais longtemps et il sourit. Puis je vais voir un bébé qui est dans son lit à plat ventre avec une peluche. Il est tellement craquant. Je le prends dans mes bras de longues minutes avant que Shoana vienne me tirer le pantalon. Je fais mille bisous à ce petit avant de le reposer dans son lit et part jouer encore quelques minutes avec Shoana.

 

En sortant, je croise deux français qui sont venus à Shishu Bhavan pour visiter et s'inscrire pour travailler durant quelques jours de la semaine prochaine. Nous discutons un peu de nos voyages respectifs et nous allons à notre rendez-vous avec Sister Marianne. Elle nous attend avec mon dossier posé sur sa table. Elle me pose quelques questions et je lui réponds que j'ai déjà beaucoup d'informations sur mon histoire. Je lui explique ce que je sais et je la vois faire un immense sourire. Elle me dit qu'elle en a d'autres et me tend la feuille qu'elle voulait me montrer le matin.

 

Et là, c'est un tsunami d'émotions car j'ai eu toutes les informations que je souhaitais ou presque sans rien demander. Je lis un document intitulé Additional details concerning the girl Ivy...

 

Sur ce document, je peux lire le prénom de ma mère biologique, l'âge où elle m'a eu, sa religion, les raisons pour lesquelles elles m'a laissé à l'orphelinat. Je découvre aussi mon heure de naissance et mon poids.

 

C'est un peu trop pour moi tout ça mais je suis super heureuse de découvrir tout cela. Cependant, cela ne change rien à ma vie, je ne vais pas chercher plus à la retrouver, je suis en paix avec mon histoire. J'aime ma vie, mes parents, ma famille. Je me sens complète, sereine, debout et heureuse d'être en vie et d'aimer tout ce que je vis.

 

Nous continuons de discuter avec la sœur pendant que Laurent prend un max de photos de ce dossier car je ne pourrai pas le récupérer. Il restera dans leurs archives et je vois quand même un ou deux documents que je ne connais pas. Pendant qu'il mitraille, je montre mon dossier d'adoption à la sœur et je sors mon ordinateur et lui montre les photos de moi qu'il y a dans mon album de famille. Je les détaille toutes et j'en profite pour lui demander si elle sait par hasard quelle sœur anglaise m'a donné mon prénom car sur le document qu'elle vient de me remettre, c'est précisé que ce sont les sœurs qui me l'ont donné et non ma mère biologique. Mais ça, je le savais déjà.

 

Elle nous dit qu'il y a une centaine d'enfants à Shishu Bhavan, confirme qu'ils ne sont pas abandonnés, que les parents viennent les voir dès qu'ils le peuvent. Mais surtout, il y a les enfants handicapés...

 

Je lui dis que j'en ai vu au deuxième étage et elle me dit qu'elle ne parle pas de ces enfants-là, mais de ceux qui sont dans l'aile droite en entrant à Shishu Bhavan. On lui explique que nous ne savions pas qu'il y avait encore d'autres enfants. Les parents qui ont des enfants handicapés (tout handicap confondu), se retrouvent ici car ils reçoivent des soins et sont nourris chaque jour. Elle ne sait pas si j'étais à l'époque dans une aile séparée ou non. Elle décide de nous montrer leur lieu de vie. Mais avant de partir, elle nous offre à chacun une médaille de sœur Marie, là mère de Jésus avec sur la gauche une photo de Mère Teresa. A l'arrière de la photo, il y a une citation d'elle.

 

Nous sortons donc de son bureau et montons deux étages. On entend déjà les cris des enfants. Devant la porte, une montagne de pantoufles, chaussures et chaussettes s’agglutinent. On entre et on découvre les mêmes lits que dans l'autre aile mais ils sont jaune de ce côté. Il y a des enfants en fauteuil roulant, d'autres sur des chaises à bascule, d'autres encore sur un grand tapis. Et il y a un homme, un seul. C'est le physiothérapeute qui vient tous les jours leur faire des massages, des soins et de la rééducation. On a le droit de prendre quelques photos et de revenir jouer avec eux quand nous le voulons.

 

Je demande si ces enfants ont un espace où jouer dehors rien que pour eux car nous ne les avions encore jamais vu avec les autres de l'orphelinat. Elle me répond qu'ils sortent aussi mais pas en même temps, car certains ont des réactions imprévisibles. Mais deux fois par semaine, ils prennent le bus et vont faire un grand pic-nic toute la journée et qu'ils adorent cela. Certains en revanche ne sortent pas.

Elle nous demande de partir car les enfants vont être bientôt mis au lit. Dans l'entrée, elle nous demande ce que nous allons voir à Kolkata. Je lui explique que je souhaitais si cela est possible de voir l'hôpital où je suis née, le centre où j'ai passé ma convalescence après mon opération mais que je ne sais pas vraiment s'il est encore ouvert. Elle nous demande de patienter car elle va passer un coup de fil pour avoir la réponse dans la minute. Elle revient quelques instants plus tard avec l'adresse exacte. Mais elle me dit que le bâtiment est bien abîmé et qu'il y a encore des gens mais que ce ne sont pas des personnes qui étaient là dans les années 80. Je prends le papier mais je ne suis pas sûre encore de vouloir y aller. Cela n'a pas une importance capitale pour moi.

 

Nous la remercions encore pour tout et nous sortons rempli à nouveau de toutes ces belles émotions et de toutes ces informations.

 

Nous avons faim et décidons de goûter la cuisine des rues. On choisit un mais grillé, des beignets de crevettes et des beignets aux légumes ou à je ne sais pas quoi. Nous sommes à une minute de l'hôtel et nous allons manger cela tranquillement dans notre chambre.

 

C'est super bon, épicé mais vraiment mangeable. Nous nous reposons un peu en attendant de retrouver Giovanni pour le repas du soir. Il est avec un ami Allen.

 

Allen à 23 ans, habite à Kolkata, finit dans deux mois ses études d'enseignant en biologie.

 

Ils nous emmènent en taxi jusque dans un restaurant mexicain. Le restaurant se trouve au quatrième étage d'un énorme complexe de luxe de supermarchés. On se croirait à Plan de Campagne. On retrouve toutes les enseignes que nous connaissons déjà.

 

Le repas se déroule dans la bonne humeur et nous profitons de ces instants pour faire plus connaissance avec Allen, les mots hindi et sur les choses à voir à Kolkata. On apprend que hier, les enfants criaient "Anti" et non "Tanti" à Laurent pour qu'il les prenne en photo et cela veut dire oncle en hindi. On apprend d'autres mots mais on les oublie vite.

 

Nous reprenons le taxi pour rentrer à l'hôtel, découvrons sur la route que les feux de signalisation sont au nombre de 5 et non 3. On ne sait pas trop à quoi correspondent les couleurs...Le quartier est plus animée de ce côté de la ville.

 

Comme demain nous n'avons aucun rendez-vous de prévu, nous décidons de nous lever quand nous le voulons et de partir dans cette direction. Nous profiterons aussi de cette journée de "libre" pour aller voir l'hôpital où je suis née. J'espère pouvoir rencontrer Gautam lundi après-midi après ma visite à Kalpona...

 

Mais cela est une autre histoire...

 

Bonne nuit à toutes et tous !

 

 

Jour 3 à Kolkata - My name is Ivy (3 février 2018)

 

Je vous ai dit que j'avais reçu des informations me concernant...

 

Je peux donc me présenter maintenant...autrement...

 

My name is Ivy...

 

C'est une sœur anglaise qui était là en 1982 qui m'a donné mon prénom. C'est peut-être Sister Margaret Mary qui était la 11è sœur de la communauté de Mère Teresa. Mais Sister Marianne qui officie à l'heure actuelle ne peut pas le confirmer.

 

Ma mère s'appelle ou s'appelait Aroti, elle avait 18 ans quand elle m'a eu. Elle est venue se réfugier dans l'orphelinat de Shishu Bhavan à 7 mois de grossesse, sera cachée durant les derniers mois au deuxième étage de l'établissement et elle accouchera le 11 janvier 1982 à la maternité du Nilratan Sarkar Medical College Hospital.

 

Je suis née à 11h32 et je pesais 1kg 950 gr... Une toute petite crevette quoi !

 

Ma mère était de religion hindou, pas mariée et incapable de s'occuper de moi. Elle m'a remise auprès des sœurs à Shishu Bhavan le 14 janvier 1982.

 

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